La fiscalité des bijoux

Si un contribuable dispose de bijoux et qu’il souhaite s’en séparer, il doit savoir que ces objets précieux peuvent être soumis à une taxation particulière à option : Taxe forfaitaire sur les objets précieux ou taxation sur la plus-value ?

Egalement, un placement financier dans des pièces de haute joaillerie peut s’avérer extrêmement intéressant pour le contribuable dans la mesure où la qualification de présent d’usage est retenue lorsqu’il souhaitera s’en séparer, l’exemptant alors de toute imposition.

I/ Imposition à la taxe forfaitaire sur les objets précieux (TFOP) :

Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire, les cessions à titre onéreux ou les exportations hors du territoire des États membres de l’Union européenne, de métaux précieux et de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité.

Conformément à l’article 150 VI du code général des impôts (CGI), les cessions à titre onéreux et les exportations de métaux précieux, de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité sont soumises à une taxe forfaitaire proportionnelle au prix de cession, tenant lieu d’imposition des plus-values.

1/ Les biens concernés

Dès lors que les entreprises industrielles et commerciales n’y sont pas soumises, la taxe s’applique essentiellement aux particuliers résidant en France qui vendent ou exportent :

– des métaux précieux (or, argent, platine) ;

– des bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité, dont le prix de cession ou la valeur en douane excède 5 000€uros :

  • perles fines ou de culture ni montées ni serties ;
  • diamants ni montés ni sertis (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
  • pierres gemmes ni montées ni serties (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
  • pierres synthétiques ou reconstituées ni montées ni serties (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
  • ouvrages en perles fines et de culture, en pierre gemme ou en pierre synthétique (à l’exclusion des biens à usage industriel) ;
  • articles de bijouterie ou de joaillerie et leurs parties en métaux précieux ou en plaqués ou doublés de métaux précieux, y compris les ébauches et articles incomplets ;
  • articles d’orfèvrerie et leurs parties en métaux précieux ou en plaqués ou doublés de métaux précieux, y compris les ébauches et articles incomplets ;
  • bijouterie de fantaisie ;
  • montres-bracelets, montres de poche et similaires ;
  • bracelets de montres et similaires en métaux précieux ;
  • autres ouvrages en métaux précieux.

Par ailleurs, les objets d’or et d’argent travaillés sont classés parmi les bijoux et assimilés, et ne relèvent donc pas de la catégorie des métaux précieux. Néanmoins, les monnaies d’or ou d’argent sont assimilées à des objets de collection lorsqu’elles datent d’avant 1800, et à des métaux précieux dans le cas contraire.

2/ Les personnes concernées

Sont soumis à la taxe forfaitaire les particuliers, les associations ainsi que toutes les personnes morales qui réalisent des cessions de métaux précieux, de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité lorsque les produits de ces cessions ne peuvent être soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés :

  • Situation des particuliers : la taxe concerne les particuliers résidant en France.

Lorsqu’elles sont réalisées par des personnes résidant hors de France, les cessions et exportations de métaux précieux, de bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité sont exonérées.

  • Situation des professionnels : la taxe forfaitaire est applicable sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels. Il s’ensuit notamment que :
  • les cessions réalisées par des professionnels imposés à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés ne sont pas soumises à la taxe forfaitaire dès lors que le bien vendu est inscrit à l’actif de l’entreprise ;
  • les cessions réalisées par des personnes morales quelle qu’en soit la forme, dont les produits ne peuvent être assujettis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, sont soumises à la taxe forfaitaire même si les biens vendus sont inscrits à l’actif de l’entreprise.  Ainsi, les associations sont soumises à la taxe forfaitaire, dès lors que leurs profits ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés.

La taxe n’est pas applicable aux professionnels, personnes physiques ou morales, résidant hors de France. En effet, c’est généralement l’État de résidence qui est compétent pour taxer les bénéfices des intéressés.

3/ Les opérations imposables

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 27 novembre 2020 n° 2020-868 QPC, les opérations imposables sont :

  • Les cessions à titre onéreux, quel que soit l’État dans lequel les biens sont physiquement situés ;

Les cessions à titre gratuit (donation, succession) ne sont pas soumises à la taxe forfaitaire.

  • Les exportations, autres que temporaires, hors de l’Union européenne.

En vertu de l’article 74 S bis annexe. II du CGI, les cessions sont localisées dans l’État dans lequel se situe physiquement le bien au jour de l’opération.

Néanmoins, sont exonérés :

–  les vendeurs ou exportateurs qui n’ont pas leur domicile fiscal en France : l’exportateur doit toutefois pouvoir justifier d’une importation antérieure, d’une introduction antérieure ou d’une acquisition en France ;

–  les cessions à certains musées, aux bibliothèques publiques et aux services d’archives publics ;

–  les exportations sous condition de retour en France ou « exportations temporaires » ;

–  la vente ou l’exportation par les artistes de leurs propres œuvres lorsqu’ils en ont la propriété continue depuis la création.

4/ le taux et le calcul de la taxe

La taxe est calculée sur le prix de cession de l’objet ou, en cas d’exportation, sa valeur en douane. Elle est due au taux de :

  • 11 % pour les métaux précieux ;
  • 6 % pour les bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité.

Si le vendeur ou l’exportateur est domicilié fiscalement en France, la CRDS au taux de 0,5 % est également applicable.

5/ Les modalités de paiement de la taxe

La taxe est exigible au moment de la cession ou de l’exportation. Elle est supportée par le vendeur ou l’exportateur et, en principe, acquittée par lui.

Néanmoins, en cas d’intervention d’un intermédiaire établi fiscalement en France ou, en l’absence d’intermédiaire, si l’acquéreur est un assujetti à la TVA établi en France, la taxe doit être versée, sous leur responsabilité, par ces derniers.

Une déclaration, accompagnée du paiement de la taxe, doit être déposée selon les modalités suivantes :

  • Lorsqu’il est assujetti à la TVA : l’intermédiaire domicilié fiscalement en France ou l’acquéreur déclare la taxe :

–  s’il est redevable de la TVA : sur l’annexe 3310 A-SD à la déclaration CA3 déposée au titre de la période au cours de laquelle la taxe est devenue exigible ou, s’il est soumis au régime simplifié, sur la déclaration CA12 relative à l’exercice au cours duquel la taxe est devenue exigible ;

–  s’il n’est pas redevable de la TVA : sur l’annexe à la déclaration CA3 déposée auprès du service dont relève le principal établissement au plus tard le 25 du mois qui suit celui au cours duquel la taxe est devenue exigible.

L’intermédiaire qui n’est pas assujetti à la TVA souscrit une déclaration n° 2091 dans le mois qui suit la cession au service des impôts dont il dépend.

  • Pour les exportations ou les cessions dans un pays tiers de biens exportés temporairement : la déclaration est effectuée sur un imprimé n° 2091, en même temps que les formalités douanières, par l’intermédiaire domicilié en France ou l’exportateur.
  • Pour les autres cessions : le vendeur dépose une déclaration n° 2091 au service des impôts dont il relève dans le mois qui suit la cession.

En cas de non-respect des modalités de paiement de la taxe, conformément à l’article 1761, 2 du CGI,  les infractions sont sanctionnées par une amende fiscale égale à 25 % du montant des droits éludés.

II / L’Option pour l’imposition de droit commun des plus-values sur biens meubles :

Conformément à l’article 74 S septies annexe. II. du CGI, le vendeur ou l’exportateur peut opter pour le régime d’imposition de droit commun des plus-values sur biens meubles pour ne pas s’acquitter de la TFOP

Cette option suppose de pouvoir justifier de la date et du prix d’acquisition du bien ou de pouvoir  justifier que le bien est détenu depuis plus de vingt-deux ans. Cette option est irrévocable.

L’option est en principe exercée, dans le mois qui suit la cession ou lors de l’accomplissement des formalités douanières, sur un imprimé n° 2092 qui sert également à déclarer la plus-value réalisée. L’impôt doit être payé en même temps.

Conformément à l’article 150 UA du CGI, les plus-values réalisées par les particuliers à l’occasion de la cession de biens meubles, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, sont en principe taxables à l’impôt sur le revenu au taux de 19 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux.

Les règles de détermination de la plus-value sont les mêmes que pour les plus-values immobilières. Les frais d’acquisition et les frais de restauration et de remise en état venant en augmentation du prix d’acquisition doivent toujours être pris en compte pour leur montant réel.

De plus, le montant de la plus-value est réduit d’un abattement dont le taux est fixé à 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, d’où une exonération totale de la plus-value après vingt-deux ans de détention.

Ainsi, le vendeur a intérêt à opter si le bien est possédé depuis plus de vingt-deux ans, la plus-value étant exonérée par le jeu de l’abattement annuel. L’option est également avantageuse en cas de vente aux enchères d’objets reçus par succession depuis deux ans au plus, la plus-value étant nulle du fait que la valeur d’acquisition est égale au prix de vente.

Par ce jeu d’abattement annuel, et en cas d’option pour l’imposition de droit commun sur biens meubles, le placement financier dans des bijoux peut s’avérer extrêmement intéressant pour le contribuable.

III / Les bijoux comme présents d’usage

L’arrêt de la Chambre civile de la Cour de Cassation du 6 décembre 1988 n° 87-15083 a défini les présents d’usage comme étant « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur ».

En effet, le présent d’usage constitue un acte gratuit caractérisé par l’appauvrissement du patrimoine du donateur et l’enrichissement du patrimoine du donataire bénéficiaire. Ce dernier doit être représentatif d’une réelle intention libérale : la volonté du donateur de transmettre une part de son patrimoine sans contrepartie doit être sans ambiguïté.

Cependant, pour être qualifié comme tel, le présent d’usage suppose que deux conditions soient remplies.

  • Il doit être motivé par un évènement familial précis et particulier, comme Noël, le jour de l’an, un anniversaire, un mariage, des fiançailles, une naissance, la réussite à des examens…
  • De plus, le caractère du présent d’usage s’apprécie selon la fortune du donateur. Ainsi, les juges apprécient souverainement la notion de “modicité” du présent d’usage, lequel ne relève pas d’un barème strictement établi. La valeur du présent d’usage ne doit pas non plus être disproportionnée par rapport aux revenus et au patrimoine du donateur.

En pratique, la jurisprudence constante considère que le montant du présent d’usage ne doit pas excéder 2 % du patrimoine ni 2,5 % du revenu annuel du donateur. Dans le cas contraire, le présent d’usage serait requalifié en donation ordinaire taxable. Un collier en diamant offert par un richissime homme d’affaires pourra être qualifié de présent d’usage, alors que ce même cadeau ne le sera pas pour une personne aux revenus modestes.

S’agissant des dons, conformément à l’article 843 du code civil, les dons qui ne peuvent être qualifiés de présents d’usage doivent être réintégrés pour leur valeur, au jour du décès du donateur, dans l’actif de la succession afin d’être partagés entre les héritiers. L’arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry du 18 décembre 2007 n°06/02380 a contraint de rapporter à la succession d’une défunte les bijoux qu’elle aurait prétendument fait cadeau à ses héritiers, la qualification de présents d’usage n’ayant pas été retenue.

Au cas particulier de la rupture des fiançailles, certains dons sont trop importants par leur valeur pécuniaire ou sentimentale pour être considérés comme de simples présents d’usage. Ainsi, si la bague de fiançailles est un bijou de famille ou si sa valeur est disproportionnée par rapport aux moyens du fiancé, cette dernière doit être restituée.

Les juges de la première Chambre civile de la Cour de Cassation du 30 octobre 2007 en ont jugé ainsi dans une affaire où les fiançailles apparaissaient clairement comme la seule et unique motivation de la remise de la bague d’une valeur supérieure à 14 000€, spécialement façonnée à l’intention de la fiancée. 

S’agissant de la fiscalité du présent d’usage :

Une fois que le bijou donné est légalement qualifié de présent d’usage, le donataire qui le reçoit n’a pas à le déclarer à l’administration fiscale. Autrement dit, lorsque le bénéficiaire remplit sa déclaration de revenus, il n’a pas besoin de l’intégrer à ses revenus. Ainsi, aucun impôt ne sera dû sur ce bijou.

Contrairement aux libéralités (donations classiques, testaments), le présent d’usage ne fait pas partie de la succession du donateur. Cela signifie qu’il n’est pas assujetti au régime fiscal de ces libéralités et est totalement exonéré.

Ainsi, l’intérêt du présent d’usage est de n’avoir aucune incidence fiscale : il n’entame pas l’abattement légal, il n’y a pas de droits de donation à payer, et il n’est pas rapportable à la succession du donateur.

Lorsqu’il s’agit d’un bijou, il est préférable de l’acheter à une date proche de l’anniversaire auquel il sera offert, il faudra conserver précieusement la facture, et prendre des photos datées de l’anniversaire au cours duquel le bijou sera octroyé. Ces preuves peuvent s’avérer utiles dans le cas où l’administration fiscale contesterait le caractère de présent d’usage.

En définitif, investir dans des pièces de haute joaillerie peut s’avérer extrêmement intéressant pour le contribuable s’il arrive à caractériser ces dernières de présents d’usages au moment où il souhaitera s’en séparer au profit de ses enfants par exemple, l’exemptant alors d’une quelconque imposition.

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