La responsabilité pénale de la société absorbée incombe inexorablement à la société absorbante

Le principe de responsabilité pénale des personnes morales introduit en 1994 est source d’une jurisprudence foisonnante en Droit pénal des sociétés.

Ainsi, l’article 121-2 du Code pénal, modifié par la loi du 9 mars 2004, prévoit que « les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

  1. La responsabilité pénale des sociétés dans le cadre des fusions absorptions

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation considérait le 20 juin 2020 qu’en cas de fusion-absorption, emportant dissolution sans liquidation, la société absorbante, n’ayant pas commis l’infraction, ne peut pas être poursuivie et condamnée, au lieu et place de la société absorbée, car « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».

Cette jurisprudence maintes fois confirmée au sein des juridictions françaises n’a par ailleurs jamais convaincu la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui s’était prononcée en faveur du transfert de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante.

Cette dichotomie prend notamment sa source dans la définition de ce qu’est une « fusion ».

La Chambre Criminelle adhérant à une approche dite « anthropomorphique » des personnes morales associe la dissolution d’une société à un décès, emportant alors l’extinction de l’action publique à son égard.

La CJUE quant à elle, admet une appréciation se fondant sur des critères plus économiques du Droit régissant les affaires commerciales. Une société absorbée emporte alors avec elle les infractions commises à la société absorbante. Théorie illustrée dans l’arrêt n°C-343/13 de la CJUE du 5 mars 2015.

Cet arrêt fondé, selon la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation sur une Directive Européenne, n’est alors pas d’application directe en France qui préfère se fonder sur les articles 1844-4 du Code Civil et L. 236-14 du Code de Commerce bien que peu précis.

  1. Revirement jurisprudentiel

Le 25 novembre 2020 la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation finit par céder.

Appréciant la continuité économique de la société absorbée et délaissant cette fiction juridique qu’est la mort de la société du fait son absorption.

Ici encore, l’évolution jurisprudentielle de la Cour de Cassation trouve sa source en Droit Européen sans qu’aucune transposition en Droit Français n’ait été opérée en la matière.

En substance, une société s’est constituée partie civile à l’encontre d’une seconde société pour le délit de destruction involontaire de bien appartenant à autrui du fait d’un incendie.

Cette seconde société ayant été absorbée ne peut en principe faire l’objet de poursuites pénales.

Et pourtant, le transfert de la responsabilité pénale a bien été opéré à la société absorbante remettant en cause une jurisprudence bien établie en France.

Cependant, au regard des faits de l’espèce, cette décision pourrait laisser à penser que ce transfert de responsabilité pénale ne devrait être caractérisé qu’en matière de société de capitaux.

Toutefois, cette solution pourrait avoir des conséquences en matière de sociétés de personnes.

Ce revirement de jurisprudence ne devrait tout de même pas rétroagir pour les actes de fusion-absorption signés avant l’arrêt rendu par la Cour.

L’adage Fraus omnia corrumpit, atteindra alors son paroxysme en la matière.

En effet, le contrat de fusion-acquisition/absorption dans le but d’éluder l’engagement de la responsabilité pénale de la société absorbée sera de nature à engager la responsabilité pénale la société absorbante.

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